Mais sous ses airs d’entremetteuse, elle pourrait etre source de relations plus superficielles que serieuses… Avec, a la cle, des utilisateurs Sans compter que qui plus est decus.
Tinder reste une machine a frustrer», affirme Olivier Voirol, sociologue a l’Universite de Lausanne. Au lieu de liberer la voie a la rencontre amoureuse, l’application tiendrait plutot l’utilisateur captif d’attentes sans cesse renouvelees. Des attentes qui pourraient se traduire suivant le credo: «toujours plus et toujours mieux». Et qui plus est, c’est facile et a portee de main. En deux minutes, trois secondes, voila que l’application reste telechargee dans le smartphone. Inutile de repondre a un long questionnaire, comme c’est souvent le cas i propos des sites de rencontre. Tinder est en direct rattache a ce compte Facebook et compile les precisions pour vous faire des «offres» censees vous faire chavirer. En fonction des renseignements proposees sur le reseau social et de vos donnees de geolocalisation, l’application a la flammeche vous propose aussi un defilement limite infini de profils se trouvant dans votre perimetre. Il ne reste plus qu’a glisser le pouce – «swiper» en anglais – a gauche ou a droite pour trier des photos accompagnees seulement du prenom ainsi que l’age. Un geste du doigt a droite, j’ecarte la personne, 1 nouvelle a gauche, je lui signale qu’elle me plait. Je lui plais aussi: ca s’appelle votre «match» (voir le lexique en page 15). Et la, la discussion est en mesure de demarrer, le rendez-vous etre fixe et l’histoire d’amour commencer… Ou gui?re. Parce que, malgre votre que pretend la plateforme, le but de Tinder est moins de mettre les gens en couple que de les garder en haleine.
Olivier Voirol, huggle sociologue a l’Universite de Lausanne
Au sein des temoignages recueillis, beaucoup de personnes soulignent la dimension superficielle de Tinder. Qu’en pensez-vous?
Avec Tinder, nous entrons dans une modalite relationnelle dans laquelle les liens paraissent peu engageants. Ce qui est en mesure de produire une impression de liberte. Et de superficialite.
Plusieurs liens moins engageants qui ne correspondent jamais a l’idee de rencontre romantique que Quelques attendent. N’est-ce nullement paradoxal?
Oui. Tinder vehicule un message finalement assez contradictoire. D’un cote, l’application affirme vouloir faciliter la rencontre et mettre les mecs ensemble, de l’autre, elle s’adresse aux utilisateurs en leur proposant pour ainsi dire toujours plus et toujours mieux. Ainsi, elle produit des attentes qui ne sont, dans bien des cas, gui?re remplies. Tinder en devient alors une machine a frustrer.
Mais via quoi l’application fonde- t-elle nos attentes qu’elle service?
Une des cles du succes de cette application, c’est d’accompagner des tendances existantes au sein de la societe actuelle ainsi que les canaliser a son profit. Ainsi, elle fonctionne via l’idee tres en vogue en realisation sans dire et propose un support a des individus en requi?te d’experiences. Celle-ci nos amene a aller i chaque fois plus loin sur l’integralite des plans: voyager plus, ecouter plus de musique, vivre plus intensement. C’est precisement votre que pretend offrir cette application: un surplus de jouissance! En 1 sens, elle donne reponse a une exigence de l’individu contemporain. Le probleme, c’est qu’au lieu de le faire au sens d’une liberte accrue, elle a souvent pour effet de frustrer les utilisateurs et de freiner leur quete affective.
Dans les temoignages, l’ensemble de disent trouver la plateforme froide, sans hasard ni spontaneite. En quoi ce qui pourrait-il mettre a mal l’ideal de l’amour romantique?
L’ideal de l’amour romantique suppose que les individus se rencontrent de maniere fortuite et que seuls font foi les sentiments personnels. Cet ideal exclut donc l’anticipation, le calcul, la prediction, tel aussi l’intervention d’instances exterieures (la famille, le groupe social, la religion, etc.). C’est bien sur votre ideal, sans cesse contredit par les faits, mais il a une force considerable dans notre modernite. En 1 sens, Tinder rejoue a sa maniere nos registres de l’ideal romantique en donnant l’impression d’une rencontre au hasard de la copresence au meme espace-temps. Or, Afin de rendre ce qui possible, un systeme informatique complexe d’organisation des donnees generant des recommandations intervient massivement. Et cela fera en quelque fai§on jouer a l’application le role ancien des traditions contre lesquelles l’ideal de l’amour romantique s’etait construit. C’est sans doute dans cette forme de delegation virtuel que l’ideal de l’amour romantique peut etre mis a mal. D’autant plus qu’elle nourrit 1 secteur economique de plus et puis rentable.
Asma, 27 ans, Lausanne
«Je me connecte sur Tinder periodiquement voili environ 2 ans. La premiere fois que je l’ai utilise c’etait peu apres une rupture. A ce moment-la, j’avais besoin de me changer les idees ainsi que reprendre confiance en moi. Ce n’etait gui?re tres serieux. C’etait un genre de passe-temps ou de jeu que j’utilisais les jours d’ennui. Neanmoins, au fil du temps, ca m’a quelque peu deprimee. J’ai quelquefois l’impression d’etre votre bien via un etalage de supermarche. Un bien qu’on va stocker ou consommer. L’idee m’agace tellement parfois que je supprime l’application de mon portable. Et au moment oi? je persevere, je me rends compte que souvent, les conversations sont creuses et ininteressantes. C’est certainement lie au fera qu’il va falloir bien d’energie pour outrepasser la vitre glaciale de l’ecran de smartphone et mettre legerement d’entrain dans la conversation. Alors, souvent, je ne vais dans l’application que pour «swiper» (voir le lexique en bas). C’est un brin le geste pour le geste (rire).
Aline, 33 ans, Geneve
«J’utilise Tinder depuis que c’est sorti. En quatre ans, j’y ai eu une dizaine d’individus. J’suis plutot selective parce que je cherche quelque chose de serieux. Au debut, ce qui m’a frappee dans l’utilisation de Tinder, c’est votre geste a gauche et a droite avec le pouce pour selectionner les mecs sur la base de un apparence. Une manii?re de tri de gros. J’me suis alors dit que c’etait triste qu’on en soit arrive la. Mais on s’y fait et, apres reflexion, au monde reel ce n’est pas tellement tout autre. Beaucoup de gens pensent que juger quelqu’un exclusivement dans le physique reste terrible, mais sur la scene reelle une vie c’est pareil. Si l’on sort un samedi soir dans un bar, le mec qui te regarde, il te voit toi puis celle d’a cote et il choisit en fonction du physique. Mais contrairement a toutes les rencontres reelles, il n’y a pas de romantisme sur votre application, pas plus qu’il n’y a de hasard ou de spontaneite. Avec Tinder, c’est la fond de l’amour. Plus rien n’est pareil. Entre autres, quand tu vas a un «date», tu te dis que le mec s’en fout parce que, de toute facon, il en a soixante autres qui l’attendent via l’application. J’imagine que ca rend des hommes plus insatisfaits, avides et donc plus difficiles.