Des Romandes ont ete victimes de cyberharcelement ou d’agression sexuelle a J’ai suite d’un «match» dans l’application de rencontre.

Avec courage, elles temoignent

Honte, culpabilite, ces dames victimes de violences sexuelles paraissent minimum grandes a denoncer des actes qu’elles ont subis. Selon une etude d’Amnesty International Suisse, seulement 8% d’entre elles ont depose une plainte penale.

Sur Tinder, en deux swipes, on deniche un amoureux ou un amant de passage. Plus de 60 millions d’utilisateurs a travers un chacun ont deja succombe a ce grand jeu de l’amour. Pratique afin d’effectuer de nouvelles rencontres, particulierement depuis qu’une pandemie mondiale frappe la planete, restreignant l’acces a toutes les espaces de socialisation.

Mes histoires commencent toutes d’une meme maniere: avec votre match. Parmi les profils qui defilent sous les doigts, on selectionne ceux qui nous plaisent, ainsi, si l’interet est reciproque, la discussion s’engage. Neanmoins, Afin de certaines individus, le cauchemar s’immisce deja en mots: des propos sexuels, des insultes. L’application pourra devenir le pendant du harcelement de rue, sauf que l’agresseur nous poursuit, sans fin, a travers l’ecran du smartphone. Pour d’autres, l’enfer commence une fois la frontiere du digital franchie, lors d’un rendez-vous avec l’inconnu.

Nous avons rencontre sept femmes victimes de cyberharcelement, d’atteinte sexuelle ou de viol, une part d’hommes rencontres sur Tinder. Elles temoignent de leur colere, de leur culpabilite, des sequelles psychologiques, du sentiment d’illegitimite a mettre plainte, puis de l’inquietude qu’elles eprouvent a l’egard du systeme judiciaire. Selon une enquete d’Amnesty International, 59% des Suissesses ont experimente des etreintes ou des baisers non souhaites. 22% ont declare avoir subi des actes sexuels non consentis. Pourtant, bien peu de victimes signalent ces agressions. Et i  nouveau moins d’auteurs sont punis .

Le fardeau de la culpabilite

«Peu de victimes d’agression sexuelle portent plainte, parce qu’elles se sentent honteuses et coupables, explique le psychologue FSP Daniel Stern. Ca decoule surtout d’une construction sociale.» L’expert observe un avant et un apres le mouvement #MeToo. «Auparavant, la honte est systematiquement le fardeau d’une victime. Elle l’a cherche. Et selon la definition du viol dans la loi, si celle-ci ne se defend pas, l’agression n’est pas consideree comme votre viol.» Pourtant, Daniel Stern rappelle que la premiere reaction d’une personne agressee est la paralysie. «Etre tetanisee, ou l’experience dissociative, pourrait prouver, au contraire, la gravite d’une agression.» Depuis certains annees, avec la liberation en parole des femmes, un autre regard pese concernant le phenomene banalise de la predation sexuelle.

«Si la reforme du Code penal, en cours, introduit la notion de consentement, c’est une toute premiere etape vers un progres», se rejouit le psychologue.

Cette construction sociale complexe affecte ces dames, mais egalement nos hommes. «La culture patriarcale dominante conduit certains hommes a affirmer que ce qu’ils pratiquent dans l’intimite, sans le consentement de leur mari, est normal et qu’il s’agit ni plus ni moins de un bon droit, explique Daniel Stern. On a besoin de reformes pour les deux genres, mais pour que les femmes prennent du i?tre capable de – car on reste beaucoup au sein d’ un rapport de force ainsi que pouvoir dans une situation d’agression sexuelle – des hommes doivent accepter d’en ceder.»

J’ai responsabilite de Tinder

Mais pourquoi aller a la rencontre de parfaits inconnus? C’est le pari de l’application: celui de la confiance entre deux etres. Tinder utilise d’ailleurs cette nouvelle dynamique de l’amour, renforcee par la pandemie de Covid-19, pour nous rendre accros.

«Les reseaux sociaux utilisent une fonctionnement psychologique, ils agissent dans le meme principe que des substances addictives», precise Daniel Stern.

C’est aussi la situation pour Tinder: on enchaine nos swipes, les likes et les matches. Et quand l’echange ou la retrouve se marche en gali?re, l’application evacue des problemes, voire privilegie – sans doute sans le vouloir – l’interet de l’agresseur. L’option de signalement reste inutile: meme si le compte d’un predateur termine avec etre supprime, celui-ci peut se reinscrire avec un autre numero de telephone. L’entreprise Match Group, a laquelle appartient Tinder, reste connue pour le fonctionnement opaque. Complique de pointer du doigt la plateforme lorsqu’une agression sexuelle a lieu. D’ailleurs, aucune de les temoins ne reproche a l’app sa responsabilite dans leur mesaventure. Elles ont continue a l’utiliser, et quelques y ont aussi rencontre l’amour. On voit i  nouveau de l’espoir.

Attention: les recits qui suivent contiennent des experiences violentes qui peuvent heurter diverses sensibilites.

Elise*, 27 ans: «Il ne se rend nullement compte qu’il fut trop loin»

En 2016, Elise etait bien etudiante a l’Universite de Fribourg. Notre jeune femme matche avec Carlos* sur Tinder. «On a bon nombre discute, le courant reste vite passe.» Lors d’un rendez-vous, un jour d’ete, ils se baladent a Lausanne. «Il m’attire derriere votre buisson, raconte-t-elle. Il me force a le masturber, a lui faire une fellation. Il enfile sa main dans ma culotte. Je ne voulais pas, j’ai tente de le repousser, mais il a insiste.» Elise reste prise au piege. «J’ai pleure pendant bien le trajet de la maison pas loin.» Carlos continue d’ecrire a la jeune copine Afin de prendre des nouvelles. «Il ne se rend gui?re compte qu’il a ete trop loin.» Elle met un moment a considerer l’acte comme une agression. «Je me suis sentie sale, et coupable. Me refuser a votre garcon aussi qu’il s’interessait a moi… quelque chose me disait que j’aurais du l’accepter.»

Des mois plus tard, Elise matche avec Lancelot* sur Tinder. «Nous avions une relation intellectuelle, de longs debats engages.» Lors d’un rendez-vous, il se rend chez Elise. Lancelot la contraint a un ratio sexuel sans preservatif. «J’ai tente de le stopper, il etait trop fort. Ensuite, j’ai pue des consequences, nos IST. Heureusement, je prenais la pilule.» L’etudiante le confronte. Lui s’excuse, se justifie. «Est-ce que j’etais deja amoureuse? Je ne sais jamais. Mais j’ai pardonne et nous nous sommes engages dans une relation.» Ancien toxicomane, Lancelot devient violent, verbalement, physiquement. «Je me suis extirpee de cette relation toxique grace a mon meilleur ami.» Les gestes brusques font i  nouveau peur a Elise aujourd’hui. Mais elle n’a jamais songe a porter plainte. «D’autres jeunes filles vivent probablement des situations pires que moi.»

Toujours en 2016, Richard* l’ajoute sur Facebook et engage la conversation en affirmant l’avoir likee sur Tinder. Cela lui propose un resto. Occupee avec ses revisions, Elise decline. «Il n’a nullement insiste, mais il a installe des questions sur la bibliotheque ou je travaillais. Apri?s je recois le message «tu es jolie quand tu etudies». Je ne comprends gui?re. Il m’envoie aussi un cliche de moi, a J’ai bibliotheque.» Elise a tres peur. «Il m’a reproche d’etre part et n’a jamais compris que votre qu’il a fera etait grave.»